NoteOfHope - Chanter, oui mais ensemble

Chanter, oui mais ensemble

Le décompte a commencé sur la scène, je jette un regard furtif à Christoph, il me fait non. Sans lui avoir dit quoi que ce soit, il a compris. « Non, Rebecca, plus le temps d’aller aux toilettes, c’est à toi et ça maintenant ! ».

Je suis nerveuse, de nouveau, il n’y a pas de raison pourtant. Je respire profondément, je murmure : « pas sans toi Seigneur ». Je monte sur la scène, j’attrape ma guitare. Quand je l’ai dans mes bras je me sens mieux, c’est un peu comme une amie. Du regard je balaie le public qui s’installe, certains parlent, se disent bonjour, cherchent une place. Cela me rappelle que je suis à la maison. A la maison ? Oui, en famille. Je tape les premiers accords, je souris, je respire. Mon équipe m’a rejoint, j’aime le soutien de la batterie à ma gauche, les notes qui s’envolent du piano à ma droite. Mes chanteuses attrapent déjà leur micro, elles savent que je compte sur elles et que chanter c’est moins mon truc. Avec un peu de chance, j’ai un bassiste dans l’équipe, un violoniste, peut-être même une deuxième guitare (de préférence un de nos pré-ados qui s’essaie courageusement aux 5 accords qu’il connaît). Mon équipe est à l’aise, ils savent que ce matin, comme d’habitude, si quelqu’un fait une grosse gaffe, ce sera moi. De toute manière on regarde tous dans la même direction. Jésus ? Non, les gens !

J’ai commencé très jeune à faire partie de l’équipe de louange. Pendant des années, j’ai joué de la guitare dans un coin de la scène, est-ce que quelqu’un a entendu mes petites notes parfois justes parfois fausses ? Jésus pour sûre, pour qui c’était un parfum de bonne odeur. Et mon église ? Je ne suis pas certaine que le volume de ma guitare aie été assez fort pour que le son atteigne la première rangée de chaises. Mais ce n’était pas grave, on m’a donné une place, donné de l’espace, pour poser le pied, un terrain pour évoluer et apprendre. C’était une opportunité unique, un vrai cadeau ! Lors d’un camp d’ado, on m’a de nouveau donné cette chance, assise à côté d’un moniteur super doué pour la guitare, je me nourrissais de son rythme pour faire de mon instrument mon meilleur allié. Alors, une fois rentrée à l’église, j’ai continué à jouer, riche d’une toute nouvelle gamme de barrés et d’une nouvelle assurance pour accompagner les chants. Je ne me souviens même plus de la première louange que j’ai dirigée. Je crois que j’ai commencé avant même que ça m’impressionne d’être devant. Il n’y avait pas de scène surélevée. J’étais au même niveau que l’église. Entourées de gens que je connaissais si bien. Nul besoin d’impressionner, juste ce désir de chanter avec eux, pour Jésus, ouvrir nos cœurs pour Dieu, et lui dire par les chants tous ces mots qui nous manquent parfois.

Oui, j’avais 15-16 ans. Il manquait quelqu’un pour diriger de temps en temps la louange de notre église, j’ai accepté, simplement, sans grande angoisse, sans grande fierté, tout naturellement. Et ça m’a marqué profondément. Les gens de mon équipe ? Unique par sa composition éclectique. La sono ? Euh un unique micro relié à un mini-baffle, coincé à côté du gros pupitre en bois clair. Tout cela était loin, bien loin des machines à faire du brouillard, des ear-plugs, des batteries électroniques (en tout cas dans mon église). Les chants, recopiés à la main sur des transparents rétroprojetés sur le mur du fond. « Mais c’est la pré-histoire dont tu nous parles Rebecca » me direz-vous ! Et bien oui, c’est ma pré-histoire à moi, c’était il y a 20 ans. Mais au-travers de toute ces années, une chose m’est restée, c’est le bon goût du moment que je ressens quand toute l’église chante ensemble. Ce moment de saveur quand tu entends que les enfants, les parents, les jeunes, les personnes âgées chantent d’un seul cœur. Chanter tous ensemble, comme chanter à noël autour du piano. Chanter tous ensemble, comme dans les camps autour du feu, se serrer les uns contre les autres et observer les flammes. Chanter tous ensemble, comme durant les longues promenades pour se donner du courage. Chanter, ensemble, pour dire à Dieu combien on l’aime, lui dire qu’on le trouve si grand, si proche, lui murmurer pardon, lui donner nos mercis, nos « je t’aime », nos « aide-nous », nos « tropmégagénial que je te connaisse».

Alors oui, c’est très « nature » et c’est le type de louange que je veux diriger. Chez moi, pas d’excellence, pas de concert, pas de changement de voix pour prier… je ne suis pas là pour jouer un rôle, ou encore montrer que je suis une bonne musicienne, je ne suis pas là pour passer un moment intime avec Dieu et espérer que le public me suive d’une manière ou d’une autre. Non, mon regard ne va pas vers Jésus… c’est mon église que je regarde ! Ce sont eux que j’écoute ! Je les invite à chanter ensemble, et quand je remarque que mes petits, mes moyens, mes grands, toute cette église, pleine de différences, d’histoires personnelles, des pleurs et de rires, de vies écrites en mineur ou en majeur, quand ils deviennent un pour élever leur voix, j’ai mon cœur qui explose et là je parle à Jésus, je pense à lui si fort… et je lui dis « c’est pour toi ».

Alors oui, je suis nerveuse quand je monte sur scène, toujours un peu beaucoup pas trop, et oui j’ai un besoin urgent de faire pipi qui se manifeste une minute avant le début. Mais alors je me rappelle que je ne suis pas seule, Jésus est à mes côtés, que c’est le Saint Esprit qui agit dans les cœurs… je me rappelle que je ne suis pas là pour moi mais pour Dieu, que mes fautes il les connait bien, et qu’il m’aime comme je suis (avec un cœur parfois tout embrouillé et avec mes accords parfois détonants),… je regarde dans la salle et tout devient clair, personne n’est là pour me juger, c’est ensemble que nous chanterons. Alors quand les premiers accords ont résonné, que les gens se sont assis, je fais signe de la tête à mes chanteuses et un clin d’œil à mon public « c’est parti : à nous de jouer !».