NoteOfHope - La femme doit-elle demeurer dans le silence ?

La femme doit-elle demeurer dans le silence ?

Il était difficile d’envisager un 'focus’ sur les femmes dans la Bible sans aborder au moins un des textes de l’apôtre Paul sur le sujet. Dans cet article nous étudions de plus près un des ses plus célèbres passages : 1 Timothée 2. Dans ce texte, Paul dit à Timothée que "la femme apprenne dans le silence en toute soumission" (verset 11). Ce verset est régulièrement utilisé pour justifier le fait que la femme ne peut prendre aucun rôle de leadership spirituel dans une église. Mais est-ce le message de Paul ? Est-ce que Paul, dans ce verset, choisit de limiter le leadership spirituel à un seul genre ? Le but de cet article n’est pas d’alimenter un « conflit » autour du rôle de la femme dans l’église, mais plutôt d’apporter un éclairage sur le contexte dans lequel Paul s’exprime à ce sujet. Il reste à chaque lecteur de venir à ses propres conclusions, dans le respect d'autres visions.

Dans l’épître à Timothée, Paul demande aux femmes de s’instruire en silence et ne leur permet pas d’enseigner ni de prendre autorité sur l’homme (1 Tim. 2:12). Lisons le texte et aussi le fameux verset de 1 Timothée 2 :12 :

9 Je veux aussi que les femmes, vêtues d'une manière décente, avec pudeur et modestie, ne se parent ni de tresses, ni d'or, ni de perles, ni d'habits somptueux, 10 mais qu'elles se parent de bonnes oeuvres, comme il convient à des femmes qui font profession de servir Dieu. 11 Que la femme écoute l'instruction en silence, avec une entière soumission. 12 Je ne permets pas à la femme d'enseigner, ni de prendre de l'autorité sur l'homme; mais elle doit demeurer dans le silence. 13 Car Adam a été formé le premier, Eve ensuite; 14 et ce n'est pas Adam qui a été séduit, c'est la femme qui, séduite, s'est rendue coupable de transgression. 15 Elle sera néanmoins sauvée en devenant mère, si elle persévère avec modestie dans la foi, dans la charité, et dans la sainteté.

Plusieurs clés nous permettent de comprendre ce texte. La première tient à la nature même de l’épître et son contexte littéraire. Une épître était une lettre qui visait à élucider des questions précises que se posaient les lecteurs (en général les leaders de l’église) ou à répondre à des problématiques vécues. Chaque épitre est un seul élément d'une correspondance plus large. Par ailleurs, ce que vivaient les chrétiens de l’église de Corinthe était différent de ce que vivaient les Ephésiens, les Galates, les Romains ou les Philippiens. C’est pourquoi Paul ne va pas dire les mêmes choses ni avoir la même tonalité. Dans l'épitre à Timothée, Paul est clairement concerné par des problèmes d'hérésie et de révoltes. Il dira par exemple : 

Quelques-uns, s'étant détournés de ces choses, se sont égarés dans de vains discours; ils veulent être docteurs de la loi, et ils ne comprennent ni ce qu'ils disent, ni ce qu'ils affirment. (1Tim 1:6-7)

Visiblement, dans l’église d’Ephèse, certains enseignaient et racontaient n’importe quoi. Ces faux-enseignants étaient le problème majeur dans cette épître. Contrairement à d’autres épîtres, ces faux-docteurs n’étaient pas extérieur à l’église mais sévissaient en son sein (1 Tim 1:18-20). L’apôtre a laissé Timothée à Ephèse dans le but de corriger la situation (1 Tim 1:3). Il souhaite fournir à son jeune poulain des instructions claires sur la manière de gérer ces faux-docteurs et leurs enseignements.

Pourquoi ceci est important quand nous lisons la tirade sur les femmes dans le chapitre deux ? Car il y avait des femmes qui prenaient un rôle central dans la propagation de ces hérésies et c'est de ces femmes que Paul dit qu'elles doivent se taire. Le chapitre 5 fournit des explications supplémentaires. Le pasteur et professeur Ralf Lubs prêchait récemment sur ce texte et expliquait que le chapitre 5 parle d’une liste de veuves. A l’époque, les veuves étaient inscrites sur une liste et l’église en prenait soin. Le texte dit que certaines veuves allaient de maison en maison : « elles ajoutent à l’oisiveté le bavardage … quelques-unes se sont détournées pour suivre Satan » (1 Tim 5 :13-15). Ces veuves à Ephèse parlaient de choses dont elles ne devaient pas parler, menaçant ainsi l’église. C’est de ces femmes dont Paul parle à Timothée en lui demandant de régler l’histoire ; Ces femmes doivent se taire et n’ont pas à prendre autorité.

Paul n’empêche pas les femmes d’enseigner, il empêche ces femmes d’enseigner. Ceci explique son ton dans le chapitre deux. Paul condamnait toujours et sans la moindre hésitation l’hérésie et ceux qui la partageaient. Ces femmes, se laissant influencer par les faux-docteurs, prenaient le risque à leur tour d’influencer l’église dans la mauvaise direction, surtout si elles visitaient beaucoup de gens.

Selon le pasteur et professeur Lubs déjà mentionné, cette explication donne sens à deux autres choses dans le chapitre deux : 1) est-ce que la femme est sauvée en ayant des enfants (2:15) ? et 2) l’exemple d’Adam et Eve. Pour le premier point, lorsque Paul dit que la femme est sauvée en devenant mère, ceci ne peut bien sûr pas être interprété littéralement. Ce serait contraire au salut par la foi. Les femmes, juste comme les hommes, sont uniquement sauvées par la foi. Là encore, ce verset s’explique en lien avec les autres où Paul encourage ces mêmes veuves à prendre soin de leurs familles (1 Tim 4 :5). Rappelons-nous que de ces veuves, certaines « se sont détournées pour suivre Satan ». Leur hérésie a mis leur salut en danger. Pour éviter une telle issue, l’apôtre les exhorte à prendre soin de leur famille, leurs enfants, au lieu de jouer un rôle dans l’hérésie. Ceci s’applique donc de nouveau à ces veuves du chapitre cinq. Pour le deuxième point, son exemple d’Adam et Eve prend tout son sens ainsi : Eve s’est laissée influencer par Satan et a entrainé son mari dans la mauvaise direction (alors que lui, le premier créé, avait entendu de Dieu le bon commandement). Il ne faudrait pas que ces veuves, à l’image d’Eve, fassent la même chose en se laissant influencer par les mensonges de ces faux-docteurs. Il s’agit d’une mise en garde fraternelle, pas d’un ordre créationnel justifiant la subordination d’Eve.

Tout ceci fait parti du contexte littéraire de l’épitre, un contexte qui ne peut être ignoré. Une autre clé pour comprendre ce passage est théologique. S’il s’agit d’un sujet aussi important que l’exclusion ou l’inclusion de plus d’un milliard de femmes chrétiennes dans un rôle de leadership, examinons les autres écrits de Paul. En fait, lorsqu’on parcourt les épîtres, il est difficile de comprendre comment l’apôtre se positionne réellement par rapport aux femmes. D’un côté, il semble évident que les femmes ont joué un rôle primordial au sein des églises primitives, d’un autre, Paul semble les (re)cadrer de manière ferme.

A la fin de son épître aux Romains, Paul salue toute une série de femmes. Il mentionne Phoebé, une diaconesse, il salue également Prisca et Aquillas, ses co-équipiers qui accueillaient une église chez eux. Le fait que Prisca soit mentionnée en premier signifie à l’époque qu’elle avait un rôle prédominant. Actes 18 : 24 raconte que le couple a instruit un homme à propos du baptême. Paul salue plusieurs femmes telles que Marie, Tryphène, Tryphose, Perside dont il souligne leur dur labeur pour le Seigneur. Dans sa lettre aux Philippiens,  il mentionne Evodie et Syntyche, deux femmes ayant joué un rôle dans l’annonce de l’évangile (Philippiens 4 :2-3).

Dans 1 Corinthiens 11 :3-16, les femmes peuvent prier et prophétiser tant qu’elles ont la tête couverte alors que dans le chapitre 14, elles ne sont pas autorisées à parler dans l’église. Il semble pourtant que les femmes priaient et prophétisaient dans l’église puisque Actes 21 :9 mentionne des femmes exerçant le don de prophétie. Enfin, dans Galates 3 :28, Paul rappelle cette très célèbre phrase : «Il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni libre, il n'y a plus ni homme ni femme; car tous vous êtes un en Jésus-Christ. »

Finalement, que faut-il penser de tous ces textes qui semblent contradictoires ? Comment se situer ? Ces situations étant différentes, il n’est pas insensé de trouver des textes en apparence contradictoires ; Ils ne s’adressaient ni au même public, ni aux mêmes contextes. Il ne s’agissait pas de commandements universels mais plutôt de recommandations, de réponses théologiques et pratiques à des situations vécues. Cette singularité des questions et des problématiques est essentielle à la compréhension et l’interprétation des textes de Paul au sujet des femmes. Si on regarde la totalité des expressions de Paul envers les femmes, et sa pratique pastorale sur le terrain, il est clair que Paul n’est pas opposé au leadership spirituel féminin, s’il est orthodoxe et pas hérétique.

Une troisième et dernière clé pour comprendre ce texte est culturelle. Les femmes au premier siècle, contrairement aux hommes, n’avaient pas ou très peu d’accès à l’enseignement. Les filles étaient préparées pour le mariage (presque un acte commercial). Les hommes, certains hommes, bénéficiaient de l’enseignement de la Torah. De ce fait, il semble évident que les femmes dont Paul parlent, pouvaient difficilement enseigner sans erreur. Comment donner sans d’abord recevoir ?

Ceci est particulièrement pertinent lorsque l’évangile s’ouvre aux païens et donc… aussi aux païennes. A partir du moment où le message de l’évangile se répand aussi chez les païens, ces derniers vont intégrer l’église, en y important leur culture. Les païennes avaient l’habitude de se vêtir de manière assez exubérante. Ceci expliquerait que Paul, au verset 9, demande aux femmes de se vêtir de manière sobre et décente. Ces femmes païennes avaient une culture qu’elles essayaient d’importer dans l’église d’Ephèse avec beaucoup d’exubérance, mais sans avoir été enseignées dans la Torah.

Aujourd'hui, les femmes dans nos églises sont tout aussi éduquées que les hommes, elles démontrent autant de sagesse. Elles ne sont pas dans la spiritualité des païennes à l’époque et ne sont pas non plus hérétiques. Peut-être que ce sont ces femmes d’Ephèse qui ont si gravement influencé l’histoire de l’église et qui ont causé l’exclusion quasi totale de la femme dans le partage de l’évangile et du leadership spirituel !

En conclusion, nous avons donc observé qu’il y a plusieurs raisons de croire que Paul ne veut pas exclure les femmes du leadership spirituel. Même si les mots de Paul restent durs, il est clair que le contexte littéraire éclaircit son intention: Paul encourage Timothée à ne pas laisser un groupe de femmes spécifique, des veuves, détruire l'église. Nous avons souligné le contexte théologique qui démontre que dans d’autres contextes, Paul n’est pas opposé à la femme. Et nous avons étudié le contexte culturel qui est radicalement différent de notre contexte présent occidental. A la fin de cet article, nous voulons rester humbles. Le rôle de la femme dans l’église n’est pas essentiel au salut et il ne devrait pas inutilement être source de conflit. Mais peut-être que cet article a soulevé certains points qui expliquent ce fameux texte et jettent une autre lumière. Que chacun et chacune vienne à sa propre conclusion.

Nous remercions Ralf Lubs, le pasteur et professeur qui a aidé à comprendre ce texte si difficile. Les opinions exprimées dans ce texte sont personnelles et ne sont pas nécessairement celles des institutions avec lesquelles les auteurs ou les sources sont affiliés.